ASCO 2016 : Extrait de "Sarcomes des tissus mous & GIST" - Dr Axel Le Cesne, Gustave Roussy - Villejuif
Sarcomes des Tissus Mous (STM)
A la différence des GIST, l’ASCO 2016 a été un excellent cru dans le domaine des sarcomes des tissus mous (STM) et osseux. Il fallait aller chercher aussi bien du côté des posters/poster discussions qu’en séance plénière. Un meilleur démembrement biologique/cytogénétique des sarcomes en général fait de chaque sous-type histologique une cible potentielle pour des nouvelles approches thérapeutiques qui verront leur essor dans les années qui viennent. Les voies de signalisations intracellulaires sont décortiquées dans chaque sous-type histologique et les essais thérapeutiques se basent désormais sur des anomalies moléculaires (causales pour certaines d’entre elles, secondaires pour d’autres). Mais l’année 2016 a redonné une nouvelle dynamique pour les chimiothérapies conventionnelles, même intensifiées, et a surtout été marquée par les résultats négatifs de l’immunothérapie basée sur l’inhibition des voies PD1-PDL1.
1) Chimiothérapie/radiothérapie adjuvante
- Une seule étude rétrospective cette année sur 158 patients traités sur 20 ans dans un seul centre (Greto et al, abstract 11034) pouvant faire penser que l’association concomitante de chimiothérapie par anthracyclines couplée à une radiothérapie est faisable sans trop de toxicités : 12% de toxicité cutanée de grade 3, arrêt de la radiothérapie pour dermatite aigue dans 12% des cas, et fibrose retardée également dans 12 des cas (les mêmes patients ?). Vingt pour cent de rechute locale, 23% de rechutes métastatiques. En l’absence d’étude randomisée prospective, il est difficile de se prononcer sur cette approche et de donner des recommandations surtout que, visiblement, il s’agissait d’une population de patients très disparate dans le temps et dans les différents types de traitements adjuvants.
- Pour la première fois à l’ASCO, les résultats du réseau NetSarc mis en place en 2010 ont été rapportés (Blay et al, abstract 11013) : soutenu par l’INCA, le Groupe Sarcome Français (26 centres) a établi une base de données exceptionnelle étalée sur 5 ans qui va engendrer dans le futur proche des informations pertinentes sur la prise en charge des patients atteints de sarcomes en France : 13454 patients sont dans cette base (tous les dossiers passés en RCP de janvier 2010 à décembre 2015), ce qui représente 78% des patients nouvellement diagnostiqués sur cette période en France. Douze pour cent d’entre eux sont métastatiques d’emblée. Le pourcentage de patients ayant une tumeur localisée et discuté en RCP avant un quelconque traitement local augmente dans le temps (de 41% en 2010 à 48% en 2014), les centres de références font significativement plus de biopsies initiales que les centres non référents (80% vs 36%), le pourcentage de patients ayant une exérèse R0 et R2 est de 49% et de 7% dans les centres NetSarc versus 24% et 21% lorsque le patient est opéré hors centre de référence, entrainant une augmentation significative de la Survie Sans Progression (p=0.0008) pour les patients opérés dans les centres de références, et une diminution significative des reprises chirurgicales larges, souvent complexes et onéreuses lorsque ces patients sont opérés initialement dans ces mêmes centres (6% versus 19% de reprises chirurgicales lorsque le patient est opéré initialement hors centre de référence). A suivre…
- Sur une série de 785 sarcomes mammaires (registre épidémiologique SEER), la radiothérapie adjuvante améliore la survie globale des patientes présentant un sarcome de plus de 5 cm (pas celles avec un sarcome < 5 cm) (Yin et al, abstract 11031). Le sous-type histologique le plus fréquent est l’angiosarcome (252 cas). Les patientes ayant un sarcome avec composante ostéosarcomateuse ont le moins bon pronostic, celles ayant un liposarcome/fibrosarcome, le meilleur. Celles qui subissent une mastectomie ne vont pas forcément mieux à long terme, un traitement conservateur doit être conseillé si une exérèse R0 (chirurgie complète) est possible.
2) Chimiothérapie/radiothérapie néoadjuvante
- L’utilisation d’un traitement systémique d’induction (chimiothérapie) et/ou d’une radiothérapie première dans les sarcomes localement avancés est fréquente dans les centres prenant en charge ce type de pathologie. Son impact sur la survie reste à démontrer et la sélection des patients pouvant en bénéficier à déterminer. Il n’existe toujours aucune nouvelle étude randomisée posant cette question dans les sarcomes des tissus mous. L’étude randomisée italienne comparant une chimiothérapie conventionnelle (EI) à une chimiothérapie adaptée au sous-type histologique est en cours et les résultats seront connus dans peu de temps. Les répondeurs à une chimiothérapie évaluée selon les critères CHOI ont une survie globale significativement améliorée dans l’étude italienne précédente par rapport à l’évaluation RECIST qui discrimine certainement moins bien les vrais répondeurs « histologiques » chez les patients ayant une stabilisation du volume de leur tumeur sous chimiothérapie (5 cures versus 3 en péri-opératoire) (Stacchiotti et al, abstract 11044). Une nouvelle analyse de cette étude montre toujours une équivalence entre les deux approches thérapeutiques, avec 60% de patients en vie à 10 ans (Palassini et al, abstract 11045). Les léiomyosarcomes localement avancés traités par une chimiothérapie première ont une évolution significativement moins bonne que les autres sous-types histologiques (paramètre déjà retrouvé dans la seule méta-analyse sur donnée individuelle publiée à ce jour sur le rôle de la chimiothérapie adjuvante, Lancet 1997). Rappelons que l’ifosfamide à un rôle minime dans les léiomyosarcomes métastatiques et que cette résistance naturelle à l’ifosfamide pourrait expliquer ces résultats.
- Dans le domaine des tumeurs localisées nécessitant un traitement d’induction, ce sont les sarcomes d’Ewing qui étaient à l’honneur cette année, avec les résultats attendus des études randomisées posant la question de l’intensification thérapeutique. Plus de 15 ans après l’inclusion du premier patient, l’étude Euro-Ewing 1999 et sa randomisation R2 (mauvais répondeurs à une chimiothérapie d’induction de type « VIDE » (Vincristine + Ifosfamide + Mesna + Doxorubicine + Etoposide), ou Ewing localement avancé (> 200 ml) non opérés, ou opérés d’emblée sans chimiothérapie d’induction) et comparant une intensification par Melphalan-Busulfan versus 7 cures de « VAI » (Vincristine + Actinomycine + Ifosfamide + Mesna), a donné son verdict : 216 patients (de 0.9 à 45 ans) randomisés en 13 ans dans 112 centres et 13 pays, la Survie sans événement et les données de survie globale à 3 ans sont de 60% et 73.9% respectivement (J. Whelan et al, abstract 11000), avec un avantage significatif pour les patients ayant été intensifiés (67% versus 53.1% pour la survie sans événement à 3 ans (p=0.024) et 78% versus 70% pour la survie globale à 3 ans (p=0.019)). La chimiothérapie intensive est évidemment plus toxique que la chimiothérapie conventionnelle (deux décès toxiques à déplorer). Les patients qui bénéficient le plus de la chimiothérapie intensive sont les enfants et les adolescents jusqu’à 18 ans. Vers un nouveau standard thérapeutique dans les sarcomes d’Ewing et apparentés chez les jeunes patients mauvais répondeurs ou ayant un volume tumoral interdisant toute intervention chirurgicale, ou réséqués sans chimiothérapie première ? Discutable d’après la communication orale qui suivait la session compte-tenu du faible nombre de patients réellement randomisés par rapport à la population initiale (50%). Cette même intensification (autre partie du protocole EuroEwing 1999) n’améliore pas significativement la survie des patients présentant des métastases pulmonaires par rapport à la chimiothérapie conventionnelle (VAI) couplée à une radiothérapie pulmonaire. Cette dernière est par ailleurs de moins en moins usitée dans les sarcomes d’Ewing métastatiques, en tout cas chez l’adulte (Dirksen et al, abstract 11001). De même que précédemment, seuls 40% des patients potentiellement incluables dans l’étude après la chimiothérapie d’induction ont été randomisés (en grande partie par refus du patient). A noter que les sarcomes d’Ewing localisés au niveau du bassin bénéficiant d’une approche agressive (chirurgie plus radiothérapie) récidivent moins localement que les autres, même chez les bons répondeurs. Inversement, l’addition de la radiothérapie à une chirurgie dans les sarcomes d’Ewing développés au niveau de la paroi thoracique n’apporte rien sur le contrôle local de la maladie (Andreou et al, abstract 11026).
3) Chimiothérapie en situation avancée
- L’année dernière, une analyse rétrospective sur 2747 patients présentant un sarcome des tissus mous avancé pris en charge dans une même institution (Royal Marlsden, Londres, UK) avait été rapportée (ASCO 2015, S.J. Harris et al, abstract 10545) : la chimiothérapie améliore la survie globale des patients présentant un sarcome des tissus mous avancé puisque la survie médiane des patients traités est de 19.3 mois versus 12.5 pour les patients non traités. A noter qu’en Angleterre, 50% des patients pris en charge ces dernières années ne reçoivent aucun traitement systémique (chimiothérapie) en situation tumorale avancée. Les sarcomes indifférenciés pléiomorphes et les angiosarcomes avaient les moins bonnes survies. La Conticabase du Groupe Sarcome Français a été analysée cette année sur une population similaire de patients atteints de sarcomes avancés (2225 patients) : 28% d’entre eux n’ont reçu aucun traitement (surtout des patients >75 ans), 1600 patients reçoivent une première ligne de traitement, principalement avec des anthracyclines (polychimiothérapie dans 50% des cas), seuls 950 patients reçoivent une 2ème ligne (42% de l’ensemble des patients métastatiques), 650 une 3ème ligne, 496 une 4ème, 232 une 5ème et 134 une 6ème (Italiano et al, abstract 11014). Ainsi, si un patient arrive à une 2ème ligne de traitement, la probabilité qu’il reçoive des lignes de traitements supplémentaires est élevée, par contre un nombre significatif de patients « n’arrivent » pas à atteindre une 2ème ligne de traitement (de 1600 à 950). Moins de 10% de l’ensemble de la population reçoit un traitement expérimental. Dix pour cent des patients métastatiques sont en vie à 5 ans. A la différence des formes localement avancées (cf précédemment), les léiomyosarcomes (22.4% de l’ensemble de la population) ont une survie significativement plus longue que les autres (plus grand nombre de produits actifs dans cette pathologie ? Plus grande sensibilité aux agents anti-cancéreux en situation avancée ?). Les sarcomes pléiomorphes indifférenciés (19.4% des cas) ont, au contraire, la moins bonne survie (comme l’étude précitée), sans doute par leur plus grande chimiorésistance, aussi bien avec les anthracyclines que dans les lignes de chimiothérapies ultérieures (Herrera et al, abstract 11066). A noter que l’injection intra-tumorale de Salmonella typhmurium A1-R dans un modèle de xénogreffe orthotopique d’un sarcome pléiomorphe indifférencié humain, suivi de doxorubicine éradiquent les tumeurs transplantées (Murakami et al, abstract 11068). Les sarcomes pléiomorphes indifférenciés plus immunogènes en général (voire section PD1-PDL1 et immunothérapie) ?
- Nouvelles drogues/thérapeutiques ciblées
1. L’olaratumab (IMC-3G3, Lilly) est un anticorps monoclonal (IgG1) contre le récepteur alpha du PDGF, cible souvent impliquée dans les sarcomes des tissus mous et qui augmente l’activité de la doxorubicine dans les modèles précliniques de sarcome. Il s’agissait du scoop de l’année dernière ! Administrée à la dose de 15 mg/kg aux Jour1 et Jour8, l’olaratumab, en association avec la doxorubicine (75 mg/m2 Jour1) et comparée à la doxorubicine seule (phase II randomisée) augmente le taux de réponse objective (18.2 versus 11.9%, non significatif), la survie sans progression médiane de façon significative (6.6 versus 4.1 mois, p=0.061, HR=0,672, test statistique unilatéral, α=0,10) et la survie globale (25 versus 14.7 mois, p=0.0004) (ASCO 2015, Tap et al, abstract 10501). Il s’agissait certainement de la communication la plus intéressante dans les sarcomes des tissus mous l’année dernière. Une étude de phase III d’enregistrement, dont les inclusions sont déjà terminées, est actuellement en cours ! Résultats vraisemblables en 2017.
2. Le pazopanib (GW786034, GSK), inhibiteur de VEGF, PDGF et KIT a obtenu son AMM aux Etats-Unis et en Europe en 2012, à la suite des résultats de l’étude de phase III randomisée Palette, rapportée à l’ASCO 2011 (Van Der Graaf, abstract n°LBA10002). Quoi de neuf cette année sur le sujet ?
a. Un des mécanismes de résistance du pazopanib pourrait être dû à une up-régulation du récepteur à l’endoglin sous l’effet de l’inhibition du VEGF. Le TRC105, anti-corps dirigé contre l’endoglin avait été testé (de 8 à 10 mg/kg hebdomadaire) l’année dernière en association avec le pazopanib, 2 à 4 semaines après le début d’administration de ce dernier (ASCO 2015, S. Attia, abstract 10514). Pas d’augmentation de la toxicité du pazopanib, juste quelques télangiectasies reliées au TRC105. Un patient présentant un angiosarcome (exprimant naturellement le récepteur de l’endoglin) était en réponse complète, 5 autres patients sur 18 ayant une réduction de plus de 10% du volume tumoral. La phase II in extenso a été rapportée cette année (Attia et al, abstract 11016) : la survie sans progression médiane des 81 patients est de 3.95 mois, similaire donc à celle observée avec la pazopanib seul. Deux angiosarcomes sont en rémission complète avec l’association et 6 autres en amélioration clinique (8/9 en situation de bénéfice clinique, 88%). L’expression de l’endogline ne semble cependant pas être un facteur prédictif de réponse/résistance dans cette phase 1b/2. Une étude randomisée est sur le point de débuter dans les angiosarcomes métastatiques (124 patients).
b. Une phase II randomisée comparant le pazopanib à l’association pazopanib/gemcitabine (Plummer et al, CCP 2013) et portant sur 90 patients prétraités par au moins des anthracyclines, a été rapportée cette année à l’oral (Schmoll et al, abstract 11004) : l’objectif principal a été atteint avec un contrôle tumoral à 3 mois de plus de 60% (73.2%) pour l’association versus 40% attendus avec le pazopanib seul (en fait 45.5%), p=0.005. La survie sans progression médiane est de 5.6 mois pour l’association versus 1.9 mois pour le pazopanib (nettement inférieure à celle observée dans l’étude Palette), certainement due à la présence des liposarcomes dans cette étude. De façon intéressante, ce sont justement les liposarcomes qui tirent l’association vers le haut ! Survie sans progression médiane de 8.6 mois avec l’association versus 1.9 mois (différence pourtant non significative) avec le pazopanib seul (comme dans l’étude Palette), survie médiane de 25.4 mois versus 11.1 mois (là aussi différence non significative) en faveur de l’association pazopanib-gemcitabine. A noter, deux décès toxiques avec l’association et 37 effets secondaires sévères (sur 42 patients) pour l’association versus 9 effets secondaires sévères pour le pazopanib seul (sur 44 patients). Cette association mérite donc d’être explorée dans le futur et plus particulièrement dans les liposarcomes. Ce sont peut-être uniquement les liposarcomes myxoides/cellules rondes qui sont les plus résistants au pazopanib d’après une étude prospective de phase II espagnole : Survie sans progression médiane de 1.9 mois versus 3.5 mois pour les liposarcomes dédifférenciés (Valverde et al, abstract 11039).
c. Pour être définitivement complet sur le pazopanib, une communication intéressante a porté sur la biodisponibilité (absorption, Pharmacocinétique) du pazopanib pendant ou à distance des repas (comme il l’est recommandé) : la biodisponibilité du pazopanib est équivalente entre 600 mg absorbé pendant un repas « graisseux » et 800 mg à jeun (Lubberman et al, abstract 11040). A suivre attentivement comme l’association pazopanib plus vorinostat (Inhibiteur HDAC) dont ce dernier pourrait contourner la résistance au pazopanib (Dembla et al, abstract 11057).
3. Le regorafenib (Stivarga®, Bayer) : les résultats définitifs de l’étude randomisée coordonnée par le Groupe Sarcome Français était attendue (Penel et al, abstract 11003). Seuls les résultats dans les léiomyosarcomes et autres sarcomes étaient suffisamment matures pour être présentés l’année dernière (ASCO 2015, Mir et al, abstract 10504): pan-tyrosine kinases inhibant KIT, PDGFR, FGFR, le regorafenib a été comparé à un simple placebo dans quatre groupes de patients prétraités (Liposarcomes, Léiomyosarcomes, Synovialosarcomes et autres sarcomes) avec administration du regorafenib en cas de progression pour les patients recevant le placebo (181 patients au total inclus en 18 mois). Ces résultats confirment l’efficacité des facteurs anti-angiogéniques dans les sarcomes des tissus mous (après ceux observés avec le pazopanib qui a obtenu une AMM dans cette indication (en dehors des lipoS) en 2012) : 4 réponses objectives (un Synovialosarcome, 2 angiosarcomes, une TFS), une réponse partielle dans le bras placébo ( !), une survie sans progression médiane significativement augmentée dans le bras regorafenib dans les léiomyosarcomes (3.7 mois versus 1.7), dans les synovialosarcomes (5.6 mois versus 1), dans les autres Sarcomes (2.9 versus 1 mois) mais pas dans les liposarcomes (1.1 versus 1.7). Si l’on exclut ces derniers de l’analyse, la survie sans progression médiane est de 4 mois versus 1 mois dans le bras placebo (p<0.0001), bénéfice (3 mois) semblable à celui observé avec le pazopanib (4.5 versus 1.5). Malgré un passage au regorafenib effectué chez 76% des patients qui avaient initialement reçu le placebo, la survie médiane des patients ayant un sarcome autre qu’un liposarcome est à la limite de la significativité (13.4 mois pour le regorafenib versus 9 mois dans le bras placebo, p=0.06). Les toxicités du regorafenib sont similaires à celles observées dans les GIST avec le même schéma thérapeutique (160 mg/j, 3w/4) : fatigue (63% des cas), hypertension (36%), toxicité cutanée (44%), mucites (44%) et diarrhées (44%). Une adaptabilité et une flexibilité des doses/schémas est indispensable, surtout chez les patients présentant un bénéfice clinique du regorafenib. Très peu de patients avaient reçu du pazopanib avant leur inclusion dans l’étude : un nouveau groupe de patients prétraités par cet anti-VEGFR a été ouvert, toujours dans le cadre de cette étude. Etude de phase III d’enregistrement à suivre ?
4. L’anlotinib (Jiangsu Chia-Tai Tianquing Pharmaceutical) n’avait jamais été testé dans les sarcomes des tissus mous avancés. Inhibiteur multi Tyrosine Kinases (VEGFR1/2/3, FGFR1/2/3, PDGFRa/b, c-KIT, RET…), la dose recommandée issue de la phase 1 est de 12 mg /jour deux semaines sur 3. Cette étude chinoise portant sur 166 patients dans 15 centres a inclus tous les types de sarcomes classiques (principalement des synovialosarcomes (47 !) et des leiomyosarcomes, 26) prétraités par anthracyclines (Chi et al, abstract 11005) : taux de réponse objective de 11% (13% dans les synovialosarcomes et 46% dans les 13 sarcomes alvéolaires des parties molles inclus, particulièrement sensibles aux facteurs anti-angiogéniques), taux de contrôle tumoral à 3 mois de 57.2% et médiane de survie sans progression de 5.6 mois. Les toxicités semblent acceptables avec cependant 5 cas de pneumothorax (que l’on voit particulièrement dans les métastases pulmonaires de synovialosarcomes traités par facteurs anti-angiogéniques), et une réduction des doses à 10 mg/jour chez 15% des patients. Une étude randomisée est en cours en Chine. A suivre…
5. Le sunitinib (sutent®, Pfizer) a rarement été exploré dans les sarcomes des tissus mous en général mais plus souvent dans des sous-types histologiques sensibles aux facteurs anti-angiogéniques comme les sarcomes alvéolaires des parties molles (ASTS), entité sous-tendue par une translocation spécifique (X-17), connue par sa initiale aux chimiothérapies, par son caractère d’emblée métastatique ou tardif et par sa sensibilité aux anti-VEGF. Le sunitinib (37.5 mg/j) a été testé dans un autre sous-type de sarcomes des tissus mous sous-tendu par une translocation spécifique, le chondrosarcome myxoïde extrasquelettique, (t(9 ;22), gène de fusion NR4A3) : 6 réponses partielles (dont une post pazopanib) et 3 stabilisations, survie sans progression médiane de 34 mois. Les chondrosarcomes myxoïdes extra-squelettiques répondeurs au sunitinib ont le gène de fusion EWSR1-NR4A3, les non répondeurs le TAF15-NR4A3 (Provenzano et al, abstract 11059).
6. Anti-PD-1/PD-L1 : il était temps, les premiers résultats des études en cours ont été rapportés cette année et l’immunothérapie des sarcomes a fait l’objet d’une réunion scientifique de grande qualité, à côté de la session orale. L’année dernière, une analyse de l’expression de PD-L1 (positif si >10%) avait été rapportée sur une série de 82 patients présentant cinq différents sous-types histologiques de sarcomes des tissus mous (ASCO 2015, C. Kin, abstract 10565) : positivité dans 43% des cas dans la population totale analysée, 100% dans les sarcomes des tissus mous épithélioides, 53% dans les synovialosarcomes, 38% dans les rhabdomyosarcomes, et 33% dans les sarcomes d’Ewing. Aucune expression dans les chondrosarcomes mésenchymateux.
a.Les résultats de l’étude coordonnée par le SARC (SARC 028) testant le pembrolizumab (Keytruda®, Merck) (200 mg en intra-veineuse toutes les 3 semaines) vient refroidir nos ardeurs d’immunologistes potentiels dans les sarcomes : 80 patients inclus, aucune réponse dans les léiomyosarcomes, 1 réponse dans les synovialosarcomes, 2 réponses dans les liposarcomes et 4 réponses dans les sarcomes pléiomorphes indifférenciés (4 réponses sur 9, 44%). Seuls les sarcomes pléiomorphes indifférenciés, par leur complexité et densité génomique, par l’infiltrat de cellules immuno-compétentes et leur densité en récepteur du complexe majeur d’histocompatibilité HLA, semblent bénéficier de l’inhibition de cette voie (plus souvent sur-exprimée de plus en Immuno Histo-Chimie dans les sarcomes pléiomorphes indifférenciés, communication orale parallèle). Dans les sarcomes osseux, 1 seule réponse sur 19 ostéosarcomes, aucune réponse dans les sarcomes d’Ewing (13 au total) et une réponse dans les chondrosarcomes (17 au total) (Tawbi et al, abstract 11006).
b. Même son de cloche avec le nivolumab (Obdivo®, BMS) : administré à la dose de 3 mg/kg en intra-veineuse tous les 15 jours dans une étude de phase II portant exclusivement sur une série de 12 patientes présentant un léiomyosarcome utérin avancé prétraité, aucune réponse objective n’a été rapportée (George et al, abstract 11007). A noter que ces tumeurs exprimaient préférentiellement PD-L2.
c. Quelques réponses anecdotiques dans un chondrosarcome dédifférencié avec le nivolumab, et une réponse partielle dans un sarcome épithélioïde et un ostéosarcome avec l’association nivolumab plus pazopanib (Paoluzzi et al, abstract 11047). L’engouement observé dans l’inhibition de cette voie dans les sarcomes s’est quelque peu atténué à l’ASCO 2016. Vers des combinaisons potentielles ? (anti PD1 plus anti-CTLA4, anti PD1 plus anti-VEGFR en cours…). Vers la découverte de nouvelles voies ou de nouveaux marqueurs biologiques dans les sarcomes ?
d. C’était le sens de la communication orale du Groupe Sarcome Français (GSF) qui a suivi les deux précédentes études plutôt donc désespérément négatives. Il avait été stipulé l’année dernière que l’expression de PDL1 était un facteur pronostique défavorable indépendant dans les sarcomes des tissus mous (survie globale à 5 ans de 48% vs 68%, p=0.017) (ASCO 2015, C. Kin, abstract 10565). Il n’en est rien sur 371 patients étudiés issus de la base de données du Groupe Sarcome Français (positivité dans 19% des cas). A côté des facteurs pronostiques classiques et connus dans les sarcomes des tissus mous, l’expression de la kynurénine (positive dans 59% des cas) est corrélée à la survie dans une analyse multivariée, ce qui n’est pas le cas avec l’indol 2-3 dioxygénase (IDO, positif dans 42% des cas), voie immunologique induisant la tolérance (Toulmonde et al, abstract 11008). Une modification de la population macrophagique infiltrant les tumeurs (diminution des M2 au détriment des M1 induisant une réponse T) par le Glucopyranosyl Lipid A (G100), un agoniste TLR4 injecté directement dans la tumeur avec une administration concomitante de radiothérapie pourrait être également une voie à explorer (Pollack et al, abstract 11017). Enfin une mutation sur les voies PTEN et PI3K pourraient expliquer en partie les mécanismes de résistances aux immunothérapies impliquant PD1-PDL1 (Bonta et al, abstract 11049).
- Chimiothérapie
Malgré l’avènement des thérapeutiques ciblées, la chimiothérapie conventionnelle garde encore une grande part dans les traitements des sarcomes des tissus mous métastatiques.
- La trabectedine (Yondelis®, Pharmamar)
- La trabectedine (1.5 mg/m2 perfusion de 24 heures) a été comparée l’année dernière à une autre chimiothérapie, la dacarbazine (Déticène®, 1000 mg/m2) dans les léiomyosarcomes et liposarcomes avancés (L-sarcomes) (ASCO 2015, G. Demetri et al, abstract 10503). La survie sans progression médiane était significativement augmentée chez les patients traités avec la trabectédine (4.2 mois) versus 1.5 mois avec la dacarbazine (p<0.001). La survie sans progression à 6 mois est de 37% pour la trabectedine, 14% pour la dacarbazine. Tous les sous-groupes de patients bénéficient du yondelis® par rapport au déticène®. Aucune différence n’a été observée sur la survie globale avec une médiane de 13.7 mois pour la trabectédine et de 13.1 mois pour la dacarbazine (analyse finale), sans doute en raison du nombre important de produits administrés après progression tumorale dans l’un ou l’autre bras thérapeutique. Même si l’objectif principal n’a pas été atteint, les résultats ont permis l’enregistrement du produit aux Etats-Unis dans les L-sarcomes en 2015. La toxicité cardiaque a été évaluée dans cette population de patients prétraités par anthracyclines (dose cumulée médiane de 241 mg/m2 de doxorubicine) : les patients ayant reçu une dose cumulée > 300 mg/m2, une fonction ventriculaire limite (< aux valeurs normales de la FEVG, 13% environ des patients dans les deux bras thérapeutiques), des antécédents cardiovasculaires et les patients âgés de plus de 65 ans ont un risque significativement plus élevé de développer un « désordre » cardiaque (0.6% pour la dacarbazine, 4.5% pour la trabectedine) (Schuetze et al, abstract 11060). Pas de différence significative entre les deux options thérapeutiques en termes de qualité de vie pendant la durée de la chimiothérapie, mais cette même qualité de vie est bien entendu prolongée pour les patients traités par la trabectedine (72 patients ayant reçu au moins 8 cures vs 14 pour la dacarbazine) (Demetri et al, abstract 11061). De façon intéressante, la survie sans progression est identique que les patients développent ou pas une toxicité hépatique (élévation des transaminases) de grade 3-4 (Calvo et al, abstract 11064). Par contre la concentration plasmatique de trabectedine est plus élevée chez les patients ayant initialement une perturbation du bilan hépatique, d’où la nécessité de débuter le premier cycle à des doses inférieures (0.9 mg/m2) chez ces patients à risques.
- La trabectedine, on le sait a également une activité en dehors des L-sarcomes comme le montre cette grande étude rétrospective américaine effectuée de 2005 à 2015 dans le cadre de plusieurs études prospectives (442 patients). La survie sans progression médiane est même de 6.8 mois dans les synovialosarcomes et de 4.5 mois dans les chondrosarcomes, supérieure à celle observées dans les L-sarcomes dans cette même institution (Syed et al, abstract 11052)
- La trabectédine a été testée en association avec l’olaparib (inhibiteur de PARP) afin d’augmenter (en théorie) des cassures ADN définitives et non réparables dans une phase 1-2 italienne (Grignani et al, abstract 11018) : la dose recommandée est de 1.3 mg/m2 pour la trabectédine et de 150 mg deux fois par jour d’olaparib, 26 patients évaluables avec des sarcomes des tissus mous prétraités, 4 réponses partielles (18%), 5 stabilisations (23%), pas d’interactions pharmacocinétiques entre les deux produits. A suivre…
- Les résultats de l’étude espagnole (GEIS-20) comparant la doxorubicine (75 mg/m2) à l’association doxorubicine (60 mg/m2) plus trabectedine (1.1 mg/m2 J1, 3h) en première ligne de traitement avaient été rapportés à l’ESMO 2013. Cette étude portant sur 115 patients s’est avérée négative en termes de survie sans progression et de survie globale (Martín-Broto J, et al. ECCO-ESMO. 2013: Abs Nº 3800). Dans le groupe de patients traités par l’association Doxorubicine + Trabectedine, les patients ayant un sarcome des tissus mous exprimant CUL4A (impliqué dans la réparation cellulaire) ont une meilleure survie sans progression (8.1 mois) et survie globale (21.8 mois) que ceux ne l’exprimant pas (1.7 et 9.4 mois respectivement). L’expression de CUL4A est donc hautement prédictive de la réponse à la trabectedine (J Martin-Broto et al, abstract 11048).
2. L’éribuline (ET389, Eisai)
Inhibiteur de la polymérisation des microtubules, l’éribuline (1.4 mg/m2 en bolus aux J1 et J8 tous les 21 jours) a été comparée à la dacarbazine dans les L-sarcomes dans une phase III randomisée portant sur 452 patients prétraités (au-delà de la deuxième ligne de traitement) et dont l’objectif principal est la survie globale. Les résultats ont été rapportés l’année dernière (ASCO 2015, late-breaking abstract, P. Shoffski et al, abstract 10502). Les médianes de survie sans progression sont identiques (2.6 mois dans les deux bras thérapeutiques) mais les patients traités par éribuline ont une survie globale significativement supérieure, 13.5 mois versus 11.5 mois pour la dacarbazine (P=0.019). Les patients présentant un liposarcome étant ceux qui bénéficient le plus de l’éribuline par rapport à la dacarbazine en terme de survie globale, l’éribuline a été enregistrée d’abord aux Etat-Unis (fin 2015) puis en Europe (début 2016). Quoi de neuf cette année sur l’éribuline ?
- Une communication a justement porté sur la population des liposarcomes (143 patients traités, 71 par l’éribuline, 72 par la dacarbazine) : la survie sans progression des patients randomisés dans le bras éribuline est significativement supérieure par rapport à ceux traités par la dacarbazine (2.9 vs 1.7 mois, p=0.002), nombre de cycle médian administré (6.6 versus 3.2), tous les types de liposarcomes bénéficient de l’éribuline en termes de survie globale (15.6 mois vs 8.4 mois, HR 0.43, p=0.001), différence plus marquée dans les liposarcomes dédifférenciés et pléiomorphiques que dans les liposarcomes myxoides/cellules rondes (Chawla et al, abstract 11037).
- Les patients progressant sous Eribuline (209 patients) ont une meilleure qualité de vie (activité physique, appétit et nausées) (EORTC QLQ-C30) que les mêmes patients progressant sous dacarbazine (191 patients) (p=0.0083), et ce, dans le groupe léiomyosarcome et liposarcome (Hudgens et al, abstract 11015).
3. Anthracyclines/alkylants
- Il est et sera toujours certainement difficile de détrôner la doxorubicine en première ligne de traitement dans les sarcomes des tissus mous avancés. L’étude GeDDis est venue nous le rappeler l’année dernière (ASCO 2015, B.M Seddon, abstract 10500). La doxorubicine est supérieure en termes de contrôle tumoral (65.9% versus 58.6%), de simplicité d’administration, d’interruption du traitement due à une toxicité (2% versus 16%) et de survie globale (71 versus 63 semaines) par rapport à l’association gemcitabine-docétaxel.
- Une anthracycline non cardiotoxique (pas d’activité anti-topoisomérase B), le 5-imino-13-deoxydoxorubicin (GPX-150) a été testée en phase 2 chez plus de 20 patients en première ligne de traitement (Van Tine et al, abstract 11019), dose initiale 265 mgm2 : 41% de de bénéfices cliniques à 4 mois, 1 réponse partielle et 8 stabilisations tumorales, aucune toxicité de grade 3-4 en dehors de la toxicité hématologique, très peu de toxicité cardiaque (quelques diminutions réversibles de la Fraction d’Ejection Ventriculaire).
- Outre dans les léiomyosarcomes, la doxorubicine associée à la dacarbazine donne des résultats intéressants en première ligne de traitement dans les tumeurs fibreuses solitaires (Saponara et al, abstract 11042) avec 46% de réponses objectives, une survie sans progression médiane de 6.3 mois et une médiane de survie globale de 18.7 mois.
- Pas de communication cette année sur l’aldoxorubicine (INNO-206, CytRx Corporation). L’aldoxorubicine est attachée à un peptide (linker) se liant à l’albumine (ASCO 2014, Chawla et al, abstract 10502) qui, en théorie, libère ensuite la doxorubicine en intracellulaire (2% de doxorubicine circulante). Les inclusions des patients dans l’étude d’enregistrement actuellement en cours sont terminées et les résultats sans doute connus en 2017.
4) Quoi de neuf dans certains sous-types histologiques ?
1. Les tumeurs à cellules géantes : pratiquement chaque année à l’ASCO, depuis 2008, une communication scientifique a porté sur les tumeurs à cellules géantes dont la prise en charge et le pronostic ont été radicalement modifiés par l’avènement du denosumab (Xgeva®, Amgen). Dans cette tumeur osseuse bénigne à malignité locale, les cellules géantes ostéoclatiques surexpriment RANK et les cellules stromales le RANK ligand. Le denosumab est un anticorps monoclonal contre RANKL qui inactive donc cette anomalie possiblement causale de cette tumeur (rôle d’une mutation sur l’histone 8 ?). Plus de 500 patients ont été inclus dans une phase II mondiale qui a servi d’enregistrement de ce produit dans cette indication dans plusieurs pays. Les résultats définitifs de cette étude seront connus en février 2017. Les questions qui restent en suspend sont : 1) pour les patients opérables, durée du traitement d’induction (court si curetage prévu, plus long si prothèse ?), évaluation de la réponse histologique, type de chirurgie à effectuer chez ces répondeurs, rôle d’un traitement adjuvant (actuellement 6 injections recommandées); 2) pour les patients inopérables, traitement à vie, désescalade thérapeutique (espacement des injections, réductions des doses) après traitement d’induction (durée ?), possible interruption ? A noter cette année, un suivi prolongé chez 97 patients sur deux centres avec une médiane d’administration du dénosumab de 23 mois (4-94 mois) pour des patients ayant des TCG plutôt inopérables (Chawla et al, abstract 11021): deux tiers des patients sont en réponse complète clinique (disparition de la symptomatologie) à 3 mois, aucune évaluation radiologique communiquée (tous stables liés à la calcification des tumeurs), 6% d’ostéonécrose mandibulaire (médiane d’administration 37 mois, patients plus âgés (50 ans) que la médiane (35 ans), une fracture atypique traumatique : certains patients ont désiré arrêter le traitement pour diverses raisons dont des désirs de grossesse. Il sera intéressant de suivre l’évolution des patients inopérables qui ont interrompu leur traitement. Vers une étude randomisée comparant arrêt versus poursuite du denosumab, versus espacement des injections après une durée de traitement suffisamment longue (3, 5 ans ?).
2. Les synovialosarcomes : outre une expression constante des antigènes de la famille PRAME (Preferentially Expressed Antigen in Melanoma) par rapport aux autres sous-types histologiques de STM (Roszik et al, abstract 11067), les synovialosarcomes survenant sur une population HLA-A2 sur-expriment le NY-ESO-1 (comme d’ailleurs les liposarcomes myxoides/cellules rondes). Des essais de vaccinations après cytaphérèses, expansion ex vivo des lymphocytes T, conditionnement par des fortes doses de cyclophosphamide et de fludarabine et réinjection de ces lymphocytes T sont actuellement en cours dans les synovialosarcomes métastatiques avec des premiers résultats assez intéressants voire surprenants dans cette population (très longues réponses à la suite d’une seule injection).
3. Les chordomes : rarement à l’honneur, ces tumeurs résistantes aux chimiothérapies développées à partir de la crête neurale avaient déjà fait l’objet, l’année dernière, d’une étude de phase II, coordonnée par le Groupe Sarcome Français, testant le sorafenib (Nexavar®, Bayer), 800 mg/j, dans les chordomes avancés (ASCO 2015, N. Penel et al, abstract 10520) : 27 patients inclus, majorité de chordomes sacrés (77%), métastatiques dans 58% et souvent largement prétraités (chirurgie / radiothérapie /traitements systémiques). La survie sans progression à 12 mois était de 63% pour les rares patients non prétraités (avec une réponse partielle RECIST) et de 47.1% pour les patients prétraités. La survie globale était de 86% à 12 mois. Cette année, le même groupe rapporte une étude rétrospective sur 79 patients : majorité d’hommes (60%), âge médian 59 ans (12-86), atteinte sacrée dans 63% des cas, base du crâne dans 22% des cas, un tiers des cas sont métastatiques. En première ligne de traitement, ils ont reçu de l’imatinib dans 77% des cas, du sorafenib dans 14% et de l’erlotinib dans 5%. A noter, 5 réponses partielles (6%) (3 avec de l’imatinib, 1 avec du sorafenib et 1 avec de l’erlotinib), 42% d’entre eux ont été améliorés symptomatiquement, la survie sans progression médiane est de 10.5 mois, la survie globale moyenne de 59 mois (Lebellec et al, abstract 11020). L’analyse multivariée sur la survie retrouve quatre paramètres indépendants : l’âge, la localisation sacrée du chordome (de meilleur pronostique), des symptômes nécessitant des dérivés morphiniques et l’absence de métastases hépatiques.
4. Les chondrosarcomes : Sur les facteurs pronostiques connus, seul le grade histo-pronostique influence la survie de ces patients. Une mutation du gène IDH a été retrouvée dans 33,7% des cas analysés, 21,2% sur le gène IDH1, 12,5% sur le gène IDH2 sur une série de 80 patients traités de 1966 à 2000 à Varsovie (Lugowska et al, abstract 11024). Ces mutations confèrent aux patients une survie globale inférieure par rapport aux chondrosarcomes non mutés. La combinaison d’un inhibiteur HDAC et d’un inhibiteur du protéasome est synergique sur des lignées cellulaires de chondrosarcomes mutés (Tinoco et al, abstract 11027).
5. Les ostéosarcomes extra-squelettiques (OES) : ces tumeurs « osseuses » dans les « tissus mous » avaient fait l’objet l’année dernière d’une grande étude rétrospective sur 147 patients mettant en avant le rôle fondamentale de la qualité du traitement local (chirurgie R0 versus R1, p=0.003) (ASCO 2015, A. Longhi et al, abstract 10526). Cette année, il semble que les patients recevant une chimiothérapie péri-opératoire à base de sels de platine soient ceux qui bénéficient également d’une survie allongée (Paludos et al, abstract 11025).
6. Les fibromatoses/tumeurs desmoides : de nombreuses communications cette année sur cette tumeur bénigne à malignité locale par rapport aux autres années :
- Après l’activité remarquable du sorafenib en 2011 (65% de réponse RECIST, 35% de stabilisation) (ASCO 2011, Gounder et al, abstract 10013) et le sunitinib en 2013 (26% de réponse objective, 42% de stabilisation) (ASCO 2013, Jo et al, abstract n°10589), c’est la navelbine qui était à l’honneur cette année (90 mg dose totale hebdomadaire plus ou moins associée à une hormonothérapie (LH-RH plus tamoxifène débutée préalablement dans 50% des cas) (Mir et al, abstract 11050) : 50 patients, 74% de femmes, âge médian de 35 ans, 20% de tumeurs desmoïdes intra-abdominales, taille médiane de 11 cm (3.7-29 cm) pratiquement toutes progressives à l’inclusion (88%). La durée médiane du traitement est de 10.8 mois (2-26.2 mois), aucune toxicité de grade 3-4. Amélioration des symptomes dans 80% des cas à 3 mois, réponse objective RECIST dans 32% des cas, stabilisation dans 58% des cas, progression dans 10% des cas. La survie sans progression à 12 mois est de 88%. Après une nouvelle progression la navelbine a été réintroduite dans 6 cas avec 2 nouvelles réponses partielles et 4 stabilisations. Incontestablement un des meilleurs traitements des tumeurs desmoïdes à tous points de vue (tolérance, pas de surveillance particulière, efficacité, coût…). Vers une randomisation chez les répondeurs (réponse partielle + stabilisation) à 6 mois entre arrêt versus poursuite ? Vers une randomisation chez les non progressifs, non pré-traités entre navelbine et surveillance ? Nouvelle référence dans les tumeurs desmoïdes ?
- Rapportée de façon préliminaire en 2015, les résultats ont été réactualisés cette année : au moment de la dernière analyse, aucun des 17 patients inclus (progressifs à l’inclusion) n’a progressé sous cet inhibiteur de la gamma-secrétase (anti-Notch, PF-03084014, 200 mg/) avec 4 PR et 13 SD (O Sullivan et al, abstract 11028). A suivre…
- Le caélyx est toujours une option thérapeutique dans ces fibromatoses agressives : 36 patients dans une même institution ont été traités par une anthracycline (Mont Sinai, New York), dont 29 par caélyx : une réponse complète, 10 réponses partielles (43% de réponse objective), 10 stabilisations, 5 progressions tumorales (Pang et al, abstract 11032), survie sans progression médiane de 41.6 mois. Le caélyx reste un traitement de choix dans les fibromatoses symptomatiques qui requièrent une réponse rapide.
- Enfin, confirmation de l’efficacité du sorafenib sur 79 patients traités au Brésil (dont 62% en première ligne de traitement) sur une durée médiane de 13.6 mois (Munhoz et al, abstract 11065) : comme on peut l’observer avec d’autres produits actifs dans les tumeurs desmoïdes, plus de 50% des patients ne reprogressent plus à l’arrêt du sorafenib. Les doses de ce dernier ont dû être réduites pour toxicité dans 59% des cas.
7. Les sarcomes d’Ewing : les sarcomes d’Ewing des sujets âgés (> 50 ans) sont peu fréquents. Ils se développent préférentiellement dans les tissus mous (76% d’entre eux), souvent métastatiques au diagnostic (27%), et ont un pronostic plus péjoratif que les jeunes adultes (PFS et OS à 3 ans de 62.2 et 73.3%) d’après une série rétrospective du GSF portant sur 77 patients âgés de 50 à 86 ans (Rochefort et al, abstract 11023). Vraisemblablement dû à une chimiothérapie sous optimale administrée chez les patients âgés (Ces patients ne peuvent pas bien entendu être inclus dans l’étude Euro-Ewing 1999 rapportée précédemment).
5) Divers
- Les anomalies géniques pertinentes les plus fréquemment retrouvées (par NGS pour Next Generation Exome Sequencing, 300 gènes analysés sur 50ng d’ADN de 100 patients analysés) et adaptées aux thérapeutiques ciblées actuellement disponibles sur le marché sont : amplification de CDK4 (22%), perte ou mutation de CDKN2A/B (16%), amplification de mdm2 (21%) et plus accessoirement, mutations de PIK3CA, Notch2, NTRK1/3, KDR et PDGFR (Groisberg et al, abstract 11046). Parmi celles non forcément « actionnables » par un traitement spécifique, on retrouve les mutations de p53 et de Rb1 (Bonta et al, abstract 11049)
- De nombreuses années après la guerre des classifications histo-pronostiques dans les sarcomes des tissus mous (french grading system), les hostilités sont relancées dans les signatures moléculaires prédictives/ pronostiques : le profil sarcomes des tissus mous du Fox Chase Center (trentaine de gènes sélectifs retenus) semble plus pertinent que la signature CinSarc dans la discrimination des sarcomes des tissus mous de bons et mauvais pronostiques, mais cette comparaison a été effectuée sur un nombre restreint de patients (Movva et al, abstract 11055). A suivre attentivement.